La renaissance du Musée Sursock, Beyrouth
J.-M. WILMOTTE et J. ABOUKHALED arch. |

Un parti architectural tout en discrétion.

Janvier 2017

La famille Sursock figure parmi les grands représentants de l’aristocratie beyrouthine de la fin du XIXème siècle. Commerçants et grands propriétaires grecs-orthodoxes, ils ont donné leur nom au quartier de la capitale libanaise où se trouve aujourd’hui un musée d’art contemporain : le Musée Sursock.
Le Musée Sursock est un modèle d’architecture libanaise, l’un des rares témoins des hôtels particuliers des XVIII et XIXèmes siècles de style vénitien et ottoman. Il fut construit en 1912 pour devenir la résidence de Nicolas Ibrahim Sursock, collectionneur d’art, philanthrope et mécène. Lorsqu’il décède en 1952 et selon ses vœux testamentaires, le bâtiment est établi en waqf et confié à la charge du président du conseil municipal de Beyrouth pour qu’il soit transformé en musée. Ce qu’il devient en 1961 sous forme d’une première galerie avec la tenue du Salon d’automne, rendez-vous annuel des artistes jusqu’au commencement de la guerre civile. Et même s’il n’a jamais fermé pendant les combats, le lieu sombre peu à peu dans l’oubli.

Il faut attendre l’an 2000 pour voir lancer un projet de réhabilitation qui puisse replacer le musée au cœur du paysage culturel libanais. La commande est confiée au duo d’architectes franco-libanais Wilmotte & Associés et Jacques Aboukhaled qui privilégient un parti architectural d’extension tout en discrétion. En effet, alors que Beyrouth se développe aujourd’hui à la verticale avec de nombreux gratte-ciels, c’est vers une architecture souterraine que s’orientent les premières esquisses. « Ce projet a été marqué par la durée, par son temps de maturation. Nos premiers coups de crayon datent des années 2000. Des contretemps administratifs et la guerre de 2006 ont ensuite mis le projet en suspens pendant dix ans. Nous avons donc réécrit ce que nous avions commencé à concevoir dix ans plus tôt. C’est un projet silencieux, tout en retenue. L’idée était vraiment de laisser les œuvres d’art s’exprimer sans que l’architecture ou les aménagements leur volent la vedette. » explique Jean-Michel WILMOTTE. « Le plus grand défi était d’arriver à trouver tous les espaces nécessaires pour les salles d’exposition, mais aussi l’amphithéâtre de 180 places, les réserves, l’atelier de montage… uniquement en infrastructure ». Il aura donc fallu creuser à plus de vingt mètres de profondeur ; un défi relevé multipliant par cinq l’espace dédié aux expositions.

La création des nouveaux espaces s’effectue par conséquent en sous-sol par un jeu de parcours à demi-niveaux et de grandes hauteurs sous-plafonds comme la salle d’exposition temporaire et ses sept mètres. Chaque espace est conçu de manière à ce que le visiteur n’ait jamais le sentiment de se trouver sous terre. Des ouvertures zénithales sont disposées dans la cour et se doublent d’un système de LED qui recrée la clarté de la lumière naturelle. Les matériaux choisis forment une palette de blancs et de beiges, en particulier la pierre d’Égypte des sols et de certains murs.

Quant à la collection du Musée, elle est essentiellement composée d’œuvres d’artistes libanais de la fin des années 1800 à nos jours, parmi lesquels Etel Adnan, Chafic Abboud, Paul Guiragossian, Aref el Rayess, Assadour, Jean Khalifé et Hussein Madi. Il est aussi possible de visiter le bureau de Nicolas Sursock et le salon oriental, d’avoir accès à une bibliothèque rassemblant les archives du musée, en particulier la collection Fouad-Debbas et ses 30 000 photographies du Moyen-Orient prises entre 1830 et 1960, et dont la digitalisation est en cours.

Après sept années de travaux, le musée a rouvert ses portes le 8 octobre 2015. Le Musée Sursock se veut être le vecteur d’une démocratisation culturelle, à destination notamment du jeune public ; son entrée est par conséquent gratuite. Il prévoit d’accueillir sept expositions par an.

Maître d’ouvrage : Musée Nicolas Ibrahim Sursock
Architecte de conception et muséographie : WILMOTTE & ASSOCIÉS
Architecte local associé : Jacques ABOUKHALED
Entreprise générale : BETABAT
Superficie : 8 500 m² (existant : 1 500 m² / nouveaux espaces : 7 000 m²)
Chantier : 2008-2015